Nous Sommes En Guerre


Nous sommes en guerre.


Terrible moment où les humains se donnent le droit de tuer. Tuer de manière organisée, préméditée. À l’épée hier, de manière industrielle aujourd’hui.


Quelle étrange envie que de tuer… Pourquoi tuer ?

À entendre les va-t-en-guerre, il y a tant de bonnes raisons de le faire légalement : pour défendre un territoire, un pays, pour se protéger.

En voilà une noble justification.


Même quand la guerre est menée pour posséder – des terres, de l’or, du pétrole, des richesses – on préfère raconter qu’elle est faite pour une cause juste.

Comme si un reste de morale empêchait d’avouer que l’on tue pour le pouvoir, pour vendre des armes ou, tout simplement, pour le plaisir de tuer.


Et puisque la guerre permet de tuer en toute légalité, pour les psychopathes, c'est Noël.


La guerre, un bal macabre où le rythme saccadé des mitraillettes remplace les tambours et les trompettes.

La guerre, une valse morbide où les danseurs se mordent et s’étripent à coups de machettes pour que le sang gicle.

La guerre, une salsa mortifère où les pas de danse emportent outre-tombe, déchirent, transpercent et découpent : bras, jambes, ventres, têtes, sexes...


Elle s’abat sur la terre avec une violence aveugle.

La guerre éjacule ses missiles dans les entrailles du monde, violant la terre dans une transe d’acier et de feu.

Les bombes, telles des ovules démoniaques, éventrent l’utérus fertile du sol, déchirant champs et forêts dans une gestation inversée, où la vie cède la place à la cendre et au néant.

Elles fécondent les sols de poisons perfides, rendant les terres stériles et toxiques.


Les bombes, telles des gorgones folles, s’infiltrent au plus profond des roches, devenant une malédiction pour les eaux.

Elles explosent dans une contraction infernale, ouvrant des cratères dans la chair de la terre et des hommes, accouchant de la mort.

Le ventre de la mère se déchire dans le chaos, dans la folie, et laisse des traces indélébiles.

Des traumatismes germent dans l'esprit des survivants comme des graines de haine pour de futurs conflits, promesses de nouvelles guerres.

Un cycle infernal.


La guerre libère les spasmes oubliés de toutes les maltraitances convenues, les claques, les fessées et toutes les humiliations destinées à contraindre.

Elle offre à de jeunes garçons bien dressés à se battre des galons colorés : sergent, caporal, général.

Chacun, à son rang, se pavane dans son costume de carnaval, attendant la prochaine bataille pour orner son poitrail de nouvelles médailles.


Les vampires sont de sortie.

Le sang coule, c'est la fête.

Ils s’empiffrent de cette vie déversée, se délectent d’un nectar rouge si facile à récolter.


La guerre avale tout. Puis elle régurgite, vomit et chie les morceaux défaits d'une humanité détruite.


Les pauvres devenus troufions et les riches devenus capitaines jubilent, heureux de se prendre pour des héros, convaincus d’être utiles à la mère patrie.

Ils se font dégommer, dézinguer, découper, déchiqueter, démembrer, dépecer, rôtir.


Pour cette plongée en enfer, ils recevront une récompense : un nom gravé sur un monument aux morts, au cœur d’un village ou d’un quartier.

Ils auront droit à des commémorations. Gloire éphémère, ultime remerciement d’être morts sous les coups du frère et de l’acier.


Mort pour la patrie. Mort pour la gloire. Mort pour rien.


Pauvres soldats, pauvres garçons, nourris au virtuel des jeux vidéo, projetés dans une real life où les balles ne rebootent pas, où le game over est sans retour.

Les voilà qui pleurent dans leur chair.

Pas de seconde chance.

Si la guerre est un jeu, il est cruel et sans pitié.


Les perfides et les naïfs s’entendent pour le pire.


Les perfides exultent en voyant leur fortune atteindre des sommets. Ils s'engraissent du carnage.

Ils se frottent les mains devant ce flot de sang qui étend leur empire.


Les naïfs, eux, répètent à l’envi : "Une bonne guerre, ça ne fait pas de mal."

Ils aiment les chefs qui présentent la guerre comme une fatalité et qui chantent sa nécessité.

Ces chefs, faux frères, enterrent le destin d’une humanité perdue.


Ils trouvent toujours les raisons les plus folles pour appeler à se battre contre l’autre :

Sa couleur, ses coutumes, une offense imaginaire.

“Il a attaqué le premier.” disent-ils, la bouche en cœur, le mensonge en bandoulière.

Il y a mille et une mauvaises raisons de trouver un ennemi.

Et toutes sont bonnes. En apparence.


Quand à la vérité, le Moloch l’avale et la recrache sous forme de mensonges, de corps blessés et de gueules cassées.


Et pourtant, la vérité est simple.

L’humanité est Une.

Elle est microscopique à l’échelle des galaxies.


Elle est unique, pleine de vie, des fourmis aux dauphins, en passant par les hirondelles.

Les guerres humaines sont ridicules,

Vanité de chimpanzés traumatisés.


Que la honte s’abatte comme une peste sur les idolâtres de la guerre !

Que les statues des généraux et autres faiseurs de morts soient déboulonnées des places des villes !

Et si on les y laisse, que des artistes les transforment pour qu’on rie en les voyant.

Qu’on fasse des musées des horreurs de toutes ces vieilles carcasses.

Que les noms des chefs de guerre soient effacés des rues des villes.

Que l’on cesse d’avoir des écoles pour éduquer les enfants. La vie libre et consciente s'apprend par l’experience de la liberté pas dans le conditionnement à obéir d’une prison, même dorée

Qu’on invite des Tistous aux pouces verts dans toutes les usines.

Que les femmes fassent la grève du sexe à tous les propagandistes et fous de guerre.

Qu’on organise des batailles de polochons pour tous les frustrés.

Que d’immenses partouzes accueillent les soldats déserteurs.

Que les politiciens démissionnent pour aller faire l’amour au bord des rivières.

Que les industriels de la guerre aillent cueillir des fleurs dans les prés et apprennent à vivre d’amour et d’eau fraîche.

Que le courage et la bravoure des hommes se mesurent à leur capacité à aimer leurs voisins.


Un jour, l’humanité sera consciente de son immense responsabilité de grand singe et de sa petitesse face à l’immensité du cosmos.

Alors elle pourra inventer une façon de vivre pleine d’harmonie, de respect, d’amour et de joie.